Maison des Diderot, place Chambeau à Langres, le 14 août 1759

Visite de la maison où Denis Diderot vécut jusqu’à ses quinze ans, véritable labyrinthe diderotien qui s’étend tout en profondeur. Visite virtuelle et strictement privée, puisque cette maison n’est pas visitable actuellement.

NB : La maison langroise occupée par la famille Diderot à partir de 1714, (Diderot est né en 1713 dans une maison voisine, au 9 place Chambeau) est remaniée probablement au début du XIXe siècle mais la distribution des pièces ne change pas réellement.
Le bâtiment de deux étages donnant sur la place Chambeau est alors surélevé d’un étage mansardé (grenier).
La porte cochère s’ouvrant sur une cour et sur un atelier de coutellerie est supprimée et les espaces du rez-de-chaussée sont remplacés par un local assez profond, actuellement « bureau de tabac ».
Certaines boiseries du premier étage côté rue semblent dater de cette époque.
Au XVIIIe siècle, au dessus de la corniche du premier étage sur la façade (à la place de l’actuelle plaque), se trouvait une niche abritant un évêque céphalophore (c’est à dire qu’il porte sa tête sous son bras), probablement saint Didier (patron des couteliers). (Source : André Billy, Vie de Diderot)


La maison des Diderot est très étroite, 5 m de façade tout au plus, et se prolonge toute en profondeur sur environ 25 à 30 m (approximation de la superficie au sol : 125/150 m2).
Elle comprend deux bâtiments de deux étages situés de part et d’autre d’une cour intérieure et qui sont desservis par un escalier servant aussi de puits de lumière. Ces deux bâtiments se rejoignent au premier étage par un long corridor cité par Denis dans une lettre adressée à Sophie en 1759 lors de son séjour à Langres où il est venu pour régler la succession de son père.

Récapitulons, on trouve à l’époque de Denis, au rez-de-chaussée, une porte cochère donnant sur l’atelier de coutellerie et la forge de son père.
Derrière l’atelier, on trouve une cour intérieure avec un puits d’eau et un deuxième bâtiment en fond de cour.
Les quatre pièces spacieuses du bâtiment 1 sur rue comprennent des alcôves.
On peut imaginer que la salle de réception de la famille Diderot est la pièce A (voir plan) donnant sur la place, c’est probablement dans cette pièce que Denis, Denise et Didier signent les papiers de l’héritage en 1759.
La chambre des parents pourrait être la pièce B donnant sur la cour intérieure. Les deux chambres du deuxième étage, C et D, pourraient être celles destinées aux quatre enfants du couple, Denis, Denise, Didier et Angélique (décédée au couvent à l’âge de 26 ans).

On rejoint le deuxième bâtiment probablement destiné à la domesticité depuis la pièce B par un long corridor longeant la cour intérieur.
Ce deuxième bâtiment comprend au premier étage une très belle pièce avec de très nombreux placards en boiseries et une chambre borgne, probablement celle où se réfugie Didier Diderot, père de famille, après le décès de sa femme Angélique, et au deuxième étage une pièce avec une cheminée ouvragée et une autre chambre borgne elle aussi mais avec une fenêtre donnant sur l’escalier (chambre d’Hélène, domestique ?).
Le grenier servait à étendre le linge.
Sans compter qu’il devait exister aussi des cuisines. Etaient-elles situées au rez-de-chaussée, dans le deuxième bâtiment ?

Mes photographies ayant été prises très très rapidement, à la volée, j’ai choisi de créer une ambiance singulière pour vous permettre de ressentir cet endroit extraordinaire. Les papiers peints anciens d’indiennes, qui ne datent pourtant pas de l’époque de Diderot, ont contribué à l’illusion.
Remerciements à deux charmants Langrois pour cette visite qui contribuera à enrichir un prochain ouvrage sur Diderot.





Palier du premier étage
Pièce A donnant sur la place Chambeau,
les boiseries semblent dater du début XXe mais la configuration, alcôve, placards,
boiseries et cheminées n’ont sans doute pas changé.

Langres, le 14 août 1759,
« J’ai encore deux nuits à passer ici. Jeudi matin, de grand matin, je quitterai cette maison, où, dans un assez court intervalle de temps, j’ai éprouvé bien des sensations diverses. Imaginez que j’ai toujours été assis à table vis-à vis d’un portrait de mon père, qui est mal peint, mais qu’on a fait tirer il y a seulement quelques années, et qui ressemble assez ; que nos journées ont été employées à lire des papiers écrits de sa main,…

Pièce A donnant sur la place Chambeau

…et que ces derniers moments se passent à remplir des malles de hardes qui ont été à son usage et qui peuvent être au mien. Toutes ces relations qui lient les hommes entre eux d’une manière si douce ont pourtant des instants bien cruels ; bien cruels ! j’ai tort, je suis à présent dans une mélancolie que je ne changerais pas pour toutes les joies bruyantes du monde. …

Corridor menant au deuxième bâtiment

…Je suis appuyé sur le lit où il a été malade pendant quinze mois. Ma sœur se relevait dix fois la nuit pour lui apporter des linges chauds, pour rappeler la vie qui commençait à s’éloigner des extrémités de son corps. Il fallait qu’elle traversât un long corridor pour arriver à cette alcôve, où il s’était réfugié depuis la mort de sa femme. Leur lit commun était resté vacant depuis onze ans. Pour soulager sa fille dans les soins continuels qu’elle lui rendait, il vainquit sa répugnance et vint se placer dans ce lit. En y entrant, il dit : Je me trouve mieux, mais je n’en sortirai pas. Il se trompait : il mourut, ou plutôt il s’endormit pour ne plus se réveiller, dans un fauteuil, entre son fils, sa fille et quelques uns de ses amis. Il s’échappa d’au milieu d’eux sans qu’ils s’en aperçussent. »
Mémoires correspondance et ouvrages inédits de Diderot, H. Fournier Aîné, Garnier Frères, 1841

Le corridor longe la cour à droite et mène à cette pièce A’,
dont un mur entier est constitué de placards en boiseries
Escalier bâtiment 2
Pièce B’
Pièce B’
Chambre borgne, deuxième étage, bâtiment 2, la fenêtre donne sur l’escalier.
PIèce B’
Grenier bâtiment 2

2 Replies to “Maison des Diderot, place Chambeau à Langres, le 14 août 1759”

  1. Superbe !
    merci beaucoup
    Pascale (aussi)

  2. C’est très émouvant de rentrer dans l’intitimé de cette famille, l’histoire et la réalité sont à porté de main , un grand merci pour cette évocation Blaise

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