Les mondains de Cirey et de “ses alentours”

Bien mal leur en prit !
M. et Mme de La Neufville, charmants amis et voisins champenois de Mme du Châtelet & Voltaire, se ruinèrent en voulant égaler le train de vie que menaient les deux philosophes “hype” de Cirey.

Vers 1736, ils meublent leur château de La Neufville Army (Laneuville-à-Rémy) comme s’ils étaient à Paris : des commodes luxueuses, des tentures de soie, des laques de chine, des tabatières en nacre, des parfums, du champagne, des phaétons, des watteaux…
Ils appliquent à la lettre la doctrine du « Mondain », poème de Voltaire, et se vautrent dans le superflu, chose très nécessaire.
Résultat, en 1742, M. de La Neufville, alias Armand Jean Lapierre de Broussel, meurt ruiné et sa femme et ses quatre filles se réfugient au couvent.

En 1763, après 22 ans de veuvage et de couvent, et après avoir vendu ses diverses seigneuries, Jeanne Charlotte de Viard d’Attigneville se remarie, à plus de 60 ans, avec Gaspard Hardouin-François d’Ambly, marquis des Ayvelles.
Elle décède en 1799.


En 1755, Voltaire écrit une lettre très explicite sur la destinée tragique de Mme de La Neufville.

Commode ornée d’un panneau de laque de Coromandel, estampillée BVRB, vers 1740-1745 ; New York, The Metropolitan Museum of Art, collection Lesley et Emma Sheafer, legs d’Emma A. Sheafer, 1973 – histoiredumobilier.com

Voltaire
Aux Délice, le 23 d’Auguste 1755
A Madame la comtesse de La Neufville

“On vous lit des choses bien édifiantes, madame, dans le couvent des carmélites. Je ne doute pas qu’elles servent à entretenir votre dévotion.Si vous n’êtes pas encore convaincue du pouvoir de la grâce, vous devez l’être de celui de la destinée. Elle m’a fait quitter Cirey après l’avoir embelli ; elle vous a fait quitter votre terre, lorsque vous en rendiez la demeure plus agréable que jamais ; elle a fait mourir Madame du Châtelet en Lorraine ; elle m’a conduit sur les bords du lac de Genève ; elle vous a campée aux Carmélites : c’est ainsi qu’elle se joue des hommes qui ne sont que des atomes en mouvement, soumis à la loi générale qui les éparpille dans le grand choc des évènements du monde, qu’ils ne peuvent ni prévoir, ni prévenir, ni comprendre, et dont ils croient quelquefois être les maitres. Je bénis cette destinée, s’il y en a de la tranquillité au moins, tout insipide qu’elle est ; de la santé, qui est le vrai bien, et qui cependant est un bien très-peu senti. Conservez-moi de l’amitié. Les roues de la machine du monde sont engrenées de façon à ne me pas laisser l’espérance de vous revoir ; mais mon tendre respect pour vous sera toujours dans mon cœur.

Les quatre filles de La Neufville sont placés dans ces couvents :
Diane, religieuse à l’Abbaye de St.-Pierre de Reims, & depuis Prieure de Notre-Dame de la Pitié-lès-Joinville, Louise, religieuse à Saint-Pierre de Reims, Madeleine, religieuse aux Annonciades de Joinville et Bonne-Françoise, Religieuse aux Ursulines à Bar-sur-Aube.

Illustrations : Nicolas Lancret, « Concert chez Pierre Crozat », huile sur toile, vers 1720 ; Munich, Alte Pinkothek

One Reply to “Les mondains de Cirey et de “ses alentours””

  1. Bonjour, je transmets à des amis qui ont une maison dans les environs, merci pour vos histoires !

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