Madeleine & Denis


Madeleine de Puisieux et Denis Diderot s’aiment d’une passion violente.
Ils se sont plu le premier jour. « L’amour ne tient à aucun autre sentiment. L’amour est seul, il est particulier. » (— M.)
Madeleine aime d’une flamme ardente cet « homme rare, si vrai, si tendre, mais parfois injuste, bizarre, jaloux et peu soumis ». (— M.)
Denis aime tendrement et d’une passion fidèle Madeleine, « ses yeux pétillants ne respirant que les désirs et et son esprit raisonnant ». (—D.)
« Leurs cœurs accoutumés à la tendresse ne peuvent plus s’en passer. » (— M.)

Madeleine est écrivaine. Denis est philosophe. Ils écrivent ensemble des contes et des fables.

Via son mari, avocat et traducteur, Madeleine pousse Denis à accepter la direction de la traduction d’une encyclopédie anglaise très à la mode : la Cyclopedia de Chambers.
En 1747, la grande entreprise commence dans un climat délétère et de suspicion généralisé.
Diderot considéré comme un « homme très dangereux, qui corrompt les mœurs et qui parle des “saints mistaires” de la religion avec mépris » est emprisonné au donjon de Vincennes.

Sa maîtresse, femme de lettres subversive et féministe, est un danger pour la notoriété du nouveau directeur de l’Encyclopédie.
Sentant son amant s’échapper, Madeleine élabore un stratagème pour le rendre jaloux, et ainsi le récupérer.
Parée de ses plus beaux habits, elle se rend à Vincennes pour le provoquer avant de se rendre à un bal où l’attend un galant de fortune. Mais Denis profite de cette triste ruse pour éconduire tout à fait Madeleine.

Les deux amants n’auront de cesse par la suite de faire le compte de leurs amours et de leurs dépits de manière interposée dans leurs écrits.
En 1752, Mme de Puisieux écrit cette chanson d’amour incroyable dans laquelle elle parle d’un amant fidèle dont l’amour aurait endormi les sens :

« Hélas ! hélas ! que mon cœur vous regrette, Divin objet de mes désirs : A chaque instant Echo répète, Et mes transports et mes soupirs… »

En 1772, Denis écrit ce poème à Eglé :
« Quand de ces yeux brillants les pâles étincelles
N’allumeront plus les désirs
Quand le temps, sur ces froides aîles,
Portera loin de toi l’amour et ses plaisirs, […]
Mais à mes yeux, Eglé, tu sera toujours belle ;
Ce que j’aimais en toi je l’aimerai toujours ;
Et, seul, ton seul ami te restera fidèle
Jusqu’au dernier moment du dernier de ses jours. »


Nb Madeleine de Puisieux est une femme de lettres reconnue et pensionnée, elle écrit différents ouvrages sur l’éducation, sur la morale, …. Du XIXe au XXIe siècle, elle est méprisée et invisibilisée par tous les biographes de Diderot.
Elle mérite pourtant une reconnaissance bien méritée.

Illsutration : Pastorale : Les Soins amoureux,  Boucher, François (1703-1770). Watteau, Antoine (1684-1721).  1726

Article © DR Pascale Fourtier Debert 29 12 2021
La chanson à écouter ici :

« Hélas ! hélas ! que mon cœur vous regrette,
Divin objet de mes désirs :
A chaque instant Echo répète,
Et mes transports et mes soupirs…
Hélas ! hélas ! que mon cœur vous regrette,
Divin objet de mes désirs :
A chaque instant Echo répète,
Et mes transports et mes soupirs…
Je chante mon ardeur extrême,
Tout s’attendrit à mes accens ;
Ouy, je sens que c’est l’amour même
Qui prend soin de former mes chants.
Je chan… te mon ardeur extrême,
Tout s’attendrit à mes accens ;
Ouy, je sens que c’est l’amour même
Qui prend soin de former mes chants.
Hélas ! hélas !

C’est ainsy qu’un amant fidè…le
Exprimait sa tendre langueur ;
L’amour pour soulager une flâme si belle,
Du sommeil en ses mots implore la faveur.
Volés… volés volés abandonnés Cythère,
Songes charmants, accourés tous accourés
accourés … accourés tous.
Volés… volés volés abandonnés Cythère,
SongeSonges charmants, accourés tous accourés
accourés … accourés tous. volés.
Peignés à Lysis sa bergère
Aussy caressante que vous.
Que la plus agréable yvresse
Endorme ses sens amoureux
Et qu’une erreur enchanteresse
De cet amant flatte les vœux.
De cêt amant flat…te les vœux.
Que la plus agréable yvresse
Endorme ses sens amoureux
Et qu’une erreur enchanteresse
De cet amant flatte les vœux.
De cêt amant flat…te les vœux.»

 Pastorale / Gillot ; [photogr.] BnF

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