par François de Saint-Lambert, 1769 (auteur lorrain, amant d’Emilie du Châtelet)
O Vous, qu’ont enrichis les trésors de Cérès !
Préparez-vous, mortels, à de nouveaux bienfaits ;
Redoublez vos présens, terre heureuse et féconde,
Récompensez encor la main qui vous seconde ;
Et toi, riant Automne, accorde à nos désirs.
Ce qu’on attend de toi, des biens et des plaisirs.
Il vient environné de paisibles nuages
Qui flottent dans les airs, sans former des orages ;
Il voit, du haut des cieux, le pourpre des raisins ;
Et l’ambre et l’incarnat des fruits de nos jardins ;
De coteaux en coteaux la vendange annoncée
Réveille le tumulte et la joie insensée :
J’entends de loin les cris d’un peuple fortuné,
Qui court, le thyrse en main, de pampres couronné.
Favoris de Bacchus, ministres de Pomone,
Célébrez avec moi les bienfaits de l’Automne :
Quelles riches couleurs, quels fruits délicieux,
Ces champs et ces vergers présentent a vos yeux!
Voyez par le zéphir la pomme balancée
Echapper mollement à la branche affaissée ;
Le poirier en buisson courbé sous son trésor,
Sur le gazon jauni rouler les globes d’or,
Et de ses lambris verts attachés au treillage
La pêche succulente entraîner le branchage.
Les voila donc, ces fruits qu’ont annoncé les fleurs,
Et que l’été brûlant mûrit par ses chaleurs.
Jouissez, ô mortels ! et par des cris de joie
Rendez grâces au ciel des biens qu’il vous envoie :
Que la danse et les chants, les jeux et les amours.
Signalent à-la-fois les derniers des beaux jours.
Jouissez : mais déjà la fanfare éclatante
Au peuple des forêts a porté l’épouvante :
Le cor fait retentir ses accens belliqueux ;
Et Diane a donné le signal de ses jeux.