Un tout petit château pour une Grande Mademoiselle

Le château de Blangy-sur-Bresle, dit aussi « manoir du duc de Penthièvre » est en réalité construit en 1636 pour Mlle de Montpensier, cousine de Louis XIV, alors qu’elle n’a que 9 ans !

Cela explique peut-être probablement les dimensions de ce château royal miniature dont la façade de briques rouges est ornée du mascaron de la fillette entouré par ceux représentant les membres de sa royale famille, dont Henri IV, son grand-père.
Sur la façade côté jardin, son mascaron se trouve de façon anecdotique au dessus d’une toute petite fenêtre (trop mignon).

Posée sur une île de 6 hectares et agrémentée d’un moulin actuellement en activité, la demeure d’Anne Marie Louise d’Orléans, nièce et chouchoute du roi Louis XIII et de la reine Anne d’Autriche, est restée « miraculeusement » (du moins l’extérieur) dans son état d’origine.

Enfant gâtée, la petite fille, jolie et délurée, reçoit probablement ce château pour son baptême en juillet 1636 car « Le 17e, Mademoiselle, âgée de neuf ans et trois mois, fut baptisée au Louvre, dans la chambre de la reine, par l’évêque d’Auxerre, premier aumônier du roi ; ayant pour marraine et parrain la reine et le cardinal-duc et fut nommée Anne-Marie » (Gazette, 17 juillet 1636).

Les années passent. Titrée la Grande Mademoiselle (en raison du titre de son père Gaston d’Orléans, Grand Monsieur), la duchesse de Montpensier est au XVIIe siècle, la femme la plus riche et la plus indépendante d’Europe.
Elle est l’unique héritière d’une branche cadette des Bourbons et elle décide à sa majorité de gérer seule sa colossale fortune pour créer des manufactures de verre et de lin notamment dans le comté d’Eu, en Normandie (où se trouve son petit château).

Sa vie est une suite d’évènements rocambolesques, car cette petite-fille du roi Henri IV tient tête à son père Gaston de France et à son cousin Louis XIV qui veulent lui imposer des mariages contre son gré.
Elle écrit à propos du mariage : « Tirons-nous de l’esclavage ; qu’il y ait un coin du monde où l’on puisse dire que les femmes sont maîtresses d’elles-mêmes ».

Le 2 juillet 1652, à la tête de la fronde, elle fait tirer les canons au nom de son père, depuis la Bastille contre son propre cousin, Louis XIV.

Après quelques années d’exil, pendant lesquels elle rencontre Jean-Baptiste Lully, un jeune Florentin qu’elle introduit à la cour de France, elle tombe amoureuse à 43 ans, du duc de Lauzun, bad boy sans fortune qu’elle veut absolument épouser.
Après de romanesques intrigues, le roi fait emprisonner le duc, au grand désespoir de la Grande Mademoiselle qui tente de le faire sortir en renonçant à une grande partie de son patrimoine (dont son petit château) au profit du fils naturel de Louis XIV, le duc du Maine.

On dit que la Grande Mademoiselle aurait épousé secrètement Lauzun, mais celui-ci la rendit malheureuse en reprenant hardiment sa carrière de courtisan ambitieux et de séducteur invétéré.

Le château ainsi que le moulin sont inscrits à l’inventaire des Monuments Historiques depuis 2001.
Photographies © PFD juillet 2021

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