“L’art poétique” par Horace

Réflexion sur l’intelligence artificielle
et sur le travail d’auteur.rice

« Q’un peintre, pour produire une invention vaine »
« Veuille au cou d’un cheval joindre une tête humaine »
« Sur des membres divers l’un à l’autre ajoutés
D’un plumage bizarre éclatant les beautés ;
De sorte que le haut soit d’une femme aimable,
Et le bas représente un poisson effroyable,
Sans rire verriez-vous cet objet monstrueux ?
Chers amis, si quelqu’un l’exposait à vos yeux ?
Vous devez donc, Pisons, penser la même chose
Du livre d’un Auteur, qui dans ce qu’il compose
Ne sait pas ménager tellement son dessein,
Que le commencement s’accorde avec la fin.
« Le Peintre et le Poëte ont le droit de prétendre
« Au pouvoir d’oser tout, & de tout entreprendre.
D’accord, je ne saurois justement refuser
De souscrire à ce droit dont je prétens user
Mais il n’en faut pas faire un monstrueux usage,
Joignant l’animal doux à l’animal sauvage,
Les oiseaux aux serpents, les Tigres aux agneaux,
Souvent à des débuts, qui paraissent fort beaux,
De la plus riche étoffe on coudra quelques pièces ;

etc…
Traduction des œuvres d’Horace (65 av. J.-C.), T V, 1752

AUTRE Traduction par Charles Batteux.
SI un Peintre s’avisoit de mettre une tête humaine sur un cou de cheval, & d’y attacher des membres de toutes les especes, qui seroient revêtus des plumes de toutes sortes d’oiseaux ; de maniere que le haut de la figure représentât une belle femme, & l’autre extrémité un poisson hideux ; je vous le demande, Pisons, pourriez-vous vous empêcher de rire à la vue d’un pareil tableau ?
C’EST précisément l’image d’un livre qui ne seroit rempli que d’idées vagues, sans dessein, comme les delires d’un malade, où ni les pieds, ni la tête, ni aucune des parties n’iroit à former un tout. Les Peintres direz-vous & les Poëtes, ont toujours eu la permission de tout oser. Nous le savons : c’est un droit que nous nous demandons & que nous nous accordons mutuellement. Mais c’est à condition qu’on n’abusera point de ce droit, pour allier ensemble les contraires, & qu’on n’accouplera point les serpens avec les oiseaux, ni les agneaux avec les tigres. Quelquefois après un début pompeux & qui promet les plus grandes choses, on étale un ou deux lambeaux de pourpre, qui brillent au loin
Etc.”

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