La Petite Voleuse⎢Épisode 12

M. de Voltaire

Cirey, juillet 1738

La tempête au dehors s’était apaisée et Jeanne se retrouva seule, avec le petit chien Socrate, dans la chambre de M. de Voltaire.

Intriguée par la scène qu’elle venait de voir, la fillette regardait fixement la porte vitrée du cabinet, à gauche de l’alcôve, où se trouvait le secrétaire à secret rempli désormais de rouleaux d’or.

La pièce toute entière lui semblait étinceler. Les meubles, le décor, tout lui parut merveilleux et fantastique, la cafetière « du levant » finement ciselées de motifs dorés, les rideaux rouges à franges d’or du lit à dôme qui retombaient jusqu’à terre, car visiblement rien n’était trop beau pour cet invité prestigieux.

Mais qui était donc M. Arouette de Voltaire ?

Son attitude et sa présence au château étaient pour Jeanne une énigme. Il passait ses journées à écrire, assis à son bureau.

Elle le croisait tous les jours, le matin vers 10h et le soir au souper. Un jour, gentil, le lendemain, hautain, il se mettait parfois dans des colères terribles, hurlant contre ses gens parce qu’ils ne lui apportaient pas assez vite sa perruque ou ses pantoufles, et lorsqu’il criait contre ses domestiques, quelques heures après, s’il les voyait près de lui, il disait devant eux « Je me suis fâché contre mes gens, je les ai grondés ; mon Dieu, il faut qu’on me pardonne, car je souffrais comme un malheureux. »

Jeanne était incapable de dire si elle l’aimait, ou pas. Il lui était tout bonnement indifférent. Quant à la châtelaine, elle semblait hypnotisée par son invité et riait à chacune de ses plaisanteries.

Jeanne se rappela, que le lendemain, elle et plusieurs domestiques avaient reçu l’ordre d’assister à la répétition de la pièce de théâtre, “L’Enfant prodigue”, écrite par M. de Voltaire. Des affiches avaient été placardées sur toutes les portes du château. Mme du Châtelet y tenait le rôle de Marthe et sa fille de 12 ans, Pauline, était sortie spécialement du couvent pour interpréter le rôle de Lise.

La petite suivante se réjouissait d’avance de cette belle soirée à venir.

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Définition du mot “hautain” par Voltaire (Encyclopédie Diderot)

Hautain est toujours pris en mauvaise part ; c’est l’orgueil qui s’annonce par un extérieur arrogant : c’est le plus sûr moyen de se faire haïr, & le défaut dont on doit le plus soigneusement corriger les enfans. On peut être haut dans l’occasion avec bienséance. Un prince peut & doit rejetter avec une hauteur héroïque des propositions humiliantes, mais non pas avec des airs hautains, un ton hautain, des paroles hautaines. Les hommes pardonnent quelquefois aux femmes d’être hautaines, parce qu’ils leur passent tout ; mais les autres femmes ne leur pardonnent pas.

Chambre de Voltaire à Cirey, d’après les inventaires
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