Connaissez-vous l’histoire de Ver-Vert qui connut un succès retentissant pendant plus de deux siècles ?
Non ? Alors la voici :
Ver-Vert le perroquet vivait sa plus belle vie au sein du couvent des visitandines de Nevers.
Chouchouté, choyé et gavé de pralines et de nonnettes, le gracieux volatile était devenu, au fil des ans, l’idole des religieuses.
On lui apprenait des cantiques et des psaumes et son application à apprendre et à réciter le Benedice ou l’Ave Maria, sans erreur et en hochant la tête, confinait au divin.
On venait de fort loin pour le voir et surtout pour l’entendre, car l’écouter parler et chanter était un ravissement.
Si bien que cet état de grâce perpétuelle, vécu par les religieuses de Nevers grâce à Ver-Vert, provoqua une sorte de jalousie chez les religieuses du couvent de Nantes.
Il fut donc entendu que le saint perroquet leur serait prêté pour 15 jours exactement, les sœurs de Nevers ne pouvant consentir à plus.
Le jour du départ : « on se l’arracha, on le baigna de larmes », et voilà le bel oiseau embarqué sur la Loire, aux côtés de trois dragons (soldats de l’ancien régime), trois péronnelles, une nourrice et un moine.
En deux jours, l’oiseau perdit sa langue natale pour apprendre celle de ses compagnons de voyage, la « langue dragonne », et en arrivant au port de Nantes, Ver-Vert jurait et vociférait comme un soldat aviné.

La sœur supérieure de Nantes, impatiente de porter le noble perroquet à l’esprit raffiné jusqu’à son couvent, se vit refoulé par celui-ci qui se débattit, lui « mordant le cou, le bras et on ne sut pas bien où. »
La cloche sonna au couvent pour annoncer l’arrivée de Ver-Vert. Les sœurs coururent, volèrent, grillant de le voir enfin. Mais les premiers mots de l’oiseau ne furent pas exactement ceux que l’on attendait :
« Par la corbleu, que la peste te crève », « Va au Diable » vociféra Ver-Vert, entamant par la suite un concert de jurons et de blasphèmes qui laissa « les nonnettes sans voix ». Puis elles « fuirent en faisant mille signes de croix ; toutes pensant être à la fin du monde. »
On se résolut alors très vite à renvoyer ce démon incarné, cet antéchrist, ce Lucifer à ses expéditrices, lesquelles le condamnèrent à deux mois d’abstinence, trois de retraite et quatre de silence.
Mais la fin est belle pour Ver-Vert, car de nouveau choyé par les nonnes de Nevers, il retrouva sa sage conversation et mourut de s’être empiffré de pralines et de dragées.
D’après Ver-Vert de J.-B. Gresset, Droits réservés © Pascale Sonia Fourtier-Debert
La version originale est à lire ici :
Vert-Vert ou les voyages du perroquet de la Visitation de Nevers (1734)
Poëme héroïque, Jean-Baptiste Gresset
bel oiseau