En janvier 1747, Emilie et Voltaire, le couple le plus en vue de Paris, décident de quitter la capitale plus tôt que prévu. Ils ont besoin de se faire discrets après une sombre histoire de jeu d’argent qui a mal tourné.
C’est donc serrés l’un contre l’autre, pelisse contre pelisse et les pieds bien au chaud sur une peau d’ours, que le philosophe et la physicienne prennent la route dans la vieille voiture surchargée de malles de la marquise, direction Cirey.
La nuit est glaciale, le paysage recouvert de neige.
Vers 23 h, l’essieu du côté de Voltaire casse brusquement et le carrosse verse dans un fossé.
Voltaire, se retrouvant au fond de la voiture, reçoit sur lui la marquise, la femme de chambre et les nombreux cartons qui étaient déposés sur la banquette. Comprimé, le philosophe pousse de petits cris aigus.
Enfin, les laquais et les postillons viennent extirper les pauvres passagers de la voiture. Ils les en tirent comme d’un puits, depuis la portière qui est en l’air. Dans un premier temps, ils tirent les bagages, puis les femmes, et enfin Voltaire.
Heureusement, personne n’est blessé. Un postillon part à cheval pour aller chercher du secours.
Sébastien Longchamp (secrétaire de Voltaire) raconte : « En attendant le retour du postillon, M. de Voltaire et madame du Châtelet s’étaient assis à côté l’un de l’autre sur les coussins du carrosse, qu’on avait retirés et posés sur le chemin couvert de neige ; là , presque transis de froid malgré leurs fourrures, ils admiraient la beauté du ciel ; il est vrai qu’il était parfaitement serein, les étoiles brillaient du plus vif éclat, l’horizon était à découvert ; aucune maison, aucun arbre n’en dérobait la moindre partie à leurs yeux. On sait que l’astronomie a toujours été une des études favorites de nos deux philosophes. Ravis du magnifique spectacle déployé au-dessus et autour d’eux, ils dissertaient, en grelottant, sur la nature et le cours des astres, sur la destination de tant de globes immenses répandus dans l’espace. Il ne leur manquait que des télescopes pour être parfaitement heureux. Leur esprit égaré dans la profondeur des cieux, ils ne s’apercevaient plus de leur triste position sur la terre, ou plutôt sur la neige et au milieu des glaçons. Leur contemplation et leurs entretiens scientifiques ne furent interrompus que par le retour du postillon. »
Nuit magique
