Jeanne, une plume à la main, écoutait attentivement les conseils d’un jeune homme assis en face d’elle.
Cela faisait déjà trois semaines qu’elle était entrée au service de la marquise du Châtelet.
Le plus souvent, son travail se résumait à porter des billets que Madame adressait aux personnes de son entourage.
Jardiniers, couturières, cuisinières, femmes de chambre, laquais, valets, dames de compagnie ou encore M. Arouette de Voltaire, ils étaient très nombreux à recevoir ce genre de missives, pour la plupart griffonnées à la hâte sur le dos d’une carte à jouer.
Ainsi en quelques jours à peine, Jeanne avait découvert toutes les pièces de la maison. Elle connaissait dans les moindres recoins les appartements de Voltaire, tendus de rouge cramoisi et or, les appartements de Madame, d’une beauté à faire tourner la tête, ainsi que le ravissant petit théâtre sous les combles.
La marquise ayant décidé que sa petite servante devait savoir lire et écrire, elle lui faisait donner des cours par le « petit Champbonin », fils de Mme de Champbonin, dame de compagnie qui vivait au château. François, surnommé Fanfan, avait entre 15 et 16 ans. (Pour les connaisseurs, Fanfan est le jeune homme que Voltaire voulait marier à sa nièce en 1737.)
Pour ne pas salir ses manchettes de dentelles, Jeanne trempa délicatement sa plume dans l’encrier, car ce n’était pas vraiment un habit de servante que lui avait fait confectionner la châtelaine, mais un véritable petit habit de cour : manteau de robe et jupe en velours ciselé bleu, petits paniers en osier qui donnait de l’ampleur à la jupe, tablier en tissus rayé jaune et bleu, le tout étant assorti d’un bonnet de mousseline bordé de dentelles.
Ce que Jeanne aimait le plus était ses ravissants souliers en peau de castor.
Ce costume d’apparat, qu’elle ne devait porter qu’au château, lui avait déjà attiré toutes sortes de moqueries dans le village, en premier lieu de la part de sa tante « la Mayence » qui était en réalité verte de jalousie.
DR © P Fourtier-Debert 2025
J’écris cette nouvelle au jour le jour, d’après une histoire réelle, archives conservées aux ADHM.
Illustrations, page d’écriture, fonds du Châtelet, ADHM – Chardin
La suite ici :
Épisode 1 – La gardeuse d’oies
Épisode 2 – Les escargots
Épisode 3 – Le chaos
Épisode 4 – Un habit de servante
Épisode 5 – Le petit Champbonin
La Petite Voleuse – Épisode 5 – Le “petit Champbonin”



