Complément d’enquête sur un « gros Chat » si cher à Émilie et Voltaire

Portrait de femme, école française, 1740

J’ai repris le cours de mon enquête sur Mme de Chambonin, haut-marnaise et très bonne amie de Mme du Châtelet et de M. de Voltaire qui la surnomment le « gros Chat ».
Elle «  passe sa vie dans le château d’Emilie à Cirey, parce qu’ elle a une petite terote dans le voisinage ». dixit Mme de Graffigny, qui l’appelle «  la grosse Dame », et qui la tacle aussi en racontant qu’elle a lu tous les livres du château de Cirey sans en être plus savante…

J’avais déjà fait son portrait, à lire ici, mais en voici les compléments.
C’est aussi grâce à la « médisance » de Mme de Graffigny que l’on recoupe des informations confirmant que Mme de Chambonin est une romancière.
On comprend ainsi mieux comment elle a pu correspondre avec Voltaire jusqu’à la fin de sa vie.
Mme de Raget de Chambonin, née Anne Antoinette Françoise Paulin, est une écrivaine et elle dédicace l’un de ses romans, Histoire de Mademoiselle d’Attily. Par Madame de *** (paru en 1745), bien évidement, à Mme du Châtelet avec qui elle vit à Cirey.
Gros Chat est donc, en réalité, une femme de lettres méconnue et son roman passe si complètement inaperçu qu’il est attribué par erreur à la comtesse de Lintot, également écrivaine.

Voltaire apprécie beaucoup « son gros Chat ». Il lui rédige de nombreuses et savoureuses lettres que l’on peut lire ici.
Il écrit par exemple : «  Mon cher gros Chat, je baise mille fois vos pattes de velours. » ou encore moins banal… : « Adieu, ma chère Amie, que j’aimerai toujours. J’embrasse votre pleine lune. »

En 1737, Le grand Homme a la toquade de marier sa nièce, la fameuse future Mme Denis, au fils unique des Chambonin et il en fait l’article à la jeune femme :

«  — Son père est un vieil officier, la probité même, très bon gentilhomme.
— la mère est douce économe pleine de prudence, n’ayant aucun défaut de la province n’y aucun faux air de la cour. le père et la mère sont mes amis intimes.
— le fils ne se destine a rien qu’a ce que vous voudrez. et si vous l’acceptez, il sera s’il vous plait votre très humble et très obéissant serviteur.
je ne lui connais jusqu’à présent que des mœurs extrêmement douces. il est fait pour une vie simple, nul brillant d’aucune espèce, mais nul vice, nulle rusticité.
[Louis François Toussaint du Raget (1), seigneur du ChamBonin, deviendra commissaire des guerres, et gouverneur de Wassy, n’en déplaise à Voltaire…]
Les terres de Chambonin, à Brousseval à côté de Wassy, valent quarante mille francs. Le château ne relève pas même du roy, et ne doit rien en aucun cas.
Madame du Chastelet se charge de votre noce. on vous achèteroit une berline et des chevaux […] on vous meubleroit, on vous arrangeroit, le bau père et la belle mère prépareroient les lieux, et enfin vous iriez prendre possession de votre terre de ChamBonin. Ce seroit là votre nom. […] »

Les Chambonin étaient propriétaires d’un territoire à Brousseval, où existe aujourd’hui l’établissement métallurgique désigné encore sous le nom d’usine de Champbonin. Un château semblait exister autrefois mais on n’en trouve plus la trace.
Des bâtiments du XVIIIe siècle restent présents, au centre du village.

Mme de Chambonin est très attendue à Cirey où Emilie et Voltaire emménagent :

De Cirey.
Ce n’est pas seulement moi qui vous écris, mon aimable Chambonin, c’est Madame de Cirey dont j’ai l’honneur d’être le très humble Secrétaire. Cette Dame de Cirey est très fâchée du peu de foi que vous avez. Elle est occupée tout le jour à faire carder les laines de vos matelats, & à vous faire placer de grands carreaux de vitres à travers desquels vous passeriez toute brandie, malgré l’embonpoint que je vous ai toujours reproché. Préparez-vous à vous laisser enlever dans deux ou trois jours, & soyez inexorable avec Monsieur de Chambonin. Retenez bien que Madame de Cirey vous aime de tout son coeur ; autant en fait Voltaire.

Ex-libris aux armes de Raget de Chambonin
Brousseval, bâtiments qui bordent l’entrée de l’usine, sur la Maronne
Logement patronal le long de la Maronne
Brousseval, porche du XVIIIe s. au centre du village. Ancienne entrée des bâtiments qui bordent l’usine.

Plan cadastral napoléonien, avec en haut à droite entourés de blanc, les bâtiments anciens qui ont survécut. Le château en bas à gauche sur le “Champs Bonin” a quant à lui disparu.

inventaire-chalons.grandest.fr
Vestige du jardin, vers 1900. inventaire-chalons.grandest.fr

Fonderies de Brousseval et Montreuil sur l’emplacement di lieu-dit de Chambonin

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