La soupe aux araignées

[ spécial patrimoine Lorrain ]
Une histoire à lire pendant nos longues journées de printemps…

A la fin du XVe siècle, l’abbaye prémontrée Sainte-Marie-au-Bois (abbaye transférée à Pont-à-Mousson en 1608) vit une crise profonde. Ses moines sont débauchés à un tel point que rien ne peut les arrêter…

L’abbaye Sainte-Marie-au-Bois (créée entre 1126 et 1131) connait des turpitudes dés l’an 1310, en effet un rapport rédigé en haut lieu tente déjà d’enrayer la débauche des moines qui, loin de la vie contemplative qui leur est imposée, « dansent, jouent aux échecs, aux anneaux et à la boule, ont des serviteurs, portent des manteaux ouverts, des habits d’étoffes précieuses ». Le texte stipule aussi qu’ils sont tenus de « porter des frocs avec de grands et larges capuces et, quand ils vont à cheval se servir de chapes et de manteaux noirs et fermés, les draps de couleur rouge étant interdits », ajoutant que « le cloître sera toujours fermé, surtout la nuit et le supérieur en tiendra les clefs ».

Réprimandés à plusieurs reprises par les papes qui se succèdent, les religieux de Sainte-Marie n’en ont cure, et leur débauche atteint son paroxysme sous l’abbatiat de Didier Malhusson, favori du duc Charles III, imposé de force comme Abbé commandataire, et qui préfère d’ailleurs ne pas résider à l’abbaye mais dans son palais, une maison de plaisance situé à proximité à la Grange-en-Haye.

C’est donc la “teuf” tous les soirs à Sainte-Marie-au-Bois car, profitant de règles singulièrement adoucies par le Pape Jules II en 1505, l’abbé Malhusson est bien loin de veiller à la discipline régulière et à l’observation stricte du vœu de pauvreté, il encourage la débauche, poussant les moines à faire des provisions de bouche, à recevoir des femmes, à festoyer dans les cellules… lui même dilapidant l’argent de l’abbaye dans son palais.

L’abbé Malhusson meurt à l’âge de 55 ans, en 1594, et les chanoines de l’abbaye nomment alors à l’unanimité pour le remplacer un nouvel abbé, Daniel Picard, âgé d’à peine 27 ans (il faut que vous imaginiez Lambert Wilson, jeune). Ce jeune homme ignore qu’il va être le dernier abbé de Sainte Marie-au-Bois.
Les religieux l’ont choisi très jeune en pensant pouvoir déjouer son autorité, mais l’abbé Picard, qui a une force de caractère peu commune, entreprend de les faire revenir dans le droit chemin avec l’aide de Servais de Lairuelz, illustre prémontré de Verdun. Une chronique de l’époque raconte : « Ils enragent de ce que l’abbé tâche de les faire devenir honnêtes hommes et bons religieux ».

Lorsque son précieux allié, Servais de Lairuelz, quitte l’abbaye en 1599, l’abbé Picard se retrouve seul contre les moines ulcérés de ne pouvoir vaincre son obstination, et qui décident de concert de l’empoisonner en « mettant des araignées venimeuses dans son potage ».

Si le fort tempérament de l’abbé Picard lui permet de résister longtemps aux terribles effets du poison, le mal étant sans remède, il meurt de paralysie et dans d’atroces souffrances le 16 mai 1600 à 33 ans.

Cette sombre affaire est à l’origine de la réforme entreprise par le Père Servais de Lairuelz, nommé en 1600 abbé de Sainte Marie-au-Bois. En 1608, il transfère les moines à Pont-à-Mousson.

Article droits de reproduction interdits © PFDebert d’après une histoire vraie qui m’a terriblement impressionnée et qui m’a été relatée par Claire Brunner (que je remercie vivement).
Source © Le Transfert de l’abbaye Sainte Marie-au-Bois
par M. Pierre LALLEMAND.
Illustration : © Goya, et Photographies de l’abbaye Sainte-Marie-au-Bois provenant de la base Mémoire (de 1851 à 1914)

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