Le chien du peintre Antoine Vestier, menacé de finir en brochette


Je vous partage cette découverte car j’ai retrouvé le chien incriminé et le lieu du crime, 17 rue du Faubourg-Montmartre à Paris. Les détails du pv de police sont truculents.

« Il est peu de scènes plus comiques que celle-ci. Le chien de Vestier a renversé, sans lui faire de mal, et probablement aussi sans le faire exprès, le chien de sa voisine, Mme Huet.
Aussitôt les demoiselles de ladite voisine de s’armer de broches et, ainsi déguisées en Furies, de menacer d’une mort tragique le pauvre chien coupable. La cuisinière elle-même du peintre est sur le point d’être passée par les armes.
Cette scène carnavalesque n’empêche pas le peintre Vestier, né en 1740, d’être un peintre de portraits estimable. Mais il faut avouer qu’il poussait un peu loin l’affection pour son chien. » (Bulletin de l’histoire de l’art français, 1875)

Procès verbal recueilli par le commissaire Gauthier
« L’an 1783, le samedi 31 mai, onze heures du matin, en notre hôtel et par devant nous, Augustin François Gauthier, etc., est comparu Antoine Vestier, peintre, demeurant rue du Faubourg-Montmartre, maison du sieur Provost, vis-à-vis la rue Bergère, paroisse Saint-Eustache, etc. ; lequel nous a rendu plainte contre la dame Huet et ses deux filles, demeurantes même maison, et nous a dit que le jour d’hier, le chien du comparant ayant renversé celui de ladite dame Huet dans la cour, sans lui avoir cependant fait aucun mal, et la cuisinière du plaignant étant descendue ce matin pour tirer de l’eau au puits et en même temps faire faire au chien ses ordures dans la cour, l’aînée desdites demoiselles Huet est sortie de sa cuisine comme une furieuse avec une broche à la main avec laquelle elle a voulu percer le chien du plaignant, ce à quoi sa cuisinière s’opposa en se mettant au devant, mais elle fut elle-même obligée pour éviter d’être frappée de cette broche, de prendre le fuite jusque sous le porte cochère où ladite demoiselle Huet a encore voulu la frapper, mais la cuisinière du plaignant s’est alors saisie de la broche, ladite demoiselle Huet l’a brusquée et frappée à coups de poing, observant que dès hier ladite demoiselle Huet cadette avoit menacé de tuer ou empoisonner le chien du comparant ; à l’égard de la dame Huet, elle a dit beaucoup d’injures que le plaignant n’a pu parfaitement entendre. Comme il craint qu’elles recommencent leurs scènes, ce qui le mettroit dans le cas de se pourvoir contre elle, il est venu nous rendre la présente plainte.
Signé: Vestier ; Gauthier. (Liasse 1354. Comm. Gauthier.) »

Illustrations © Portrait de Mme Vestier avec son fils et son chien. J.-B. Vestier (Louvre)
Déguisement de Furie, d’après Gillot

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