Immersion dans le dressing d’un « petit-maître »

Le peintre Pierre-Etienne Falconet est le fils du sculpteur réputé Etienne-Maurice Falconet.
Dans les années 1780, de retour à Paris, il n’a plus besoin de peindre. Il vit de de la fortune acquise en Russie par son épouse Marie-Anne Collot et par son père.
Ses loisirs sont variés, il collectionne les armes, les cannes et les bas de soie.
Imprégné par la mode des « macaronis », jeunes anglais accoutrés de vêtements fantaisistes qu’il a connus en Angleterre, Pierre-Etienne ressemble à une gravure de mode.
L’inventaire fait après son décès témoigne de son goût prononcé pour le paraître et pour la mode anglaise qui déferle en France dans les années 1780.
En Angleterre, on les appelle déjà « les dandy », en France, ce sont « les petits-maîtres », un nom qui selon Diderot, a été « donné à la jeunesse ivre de l’amour de soi-même, avantageuse dans ses propos, affectée dans ses manieres, & recherchée dans son ajustement. Quelqu’un a défini le petit-maître, un insecte leger qui brille dans sa parure éphémere, papillonne, & secoue ses aîles poudrées ».

Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises, 1786

Voici un échantillon de l’inventaire fait après le décès M. Falconet (fils), réalisé en 1791 dans la maison familiale rue d’Anjou à Paris :
2 redingotes : de camelot gris, doublée de taffetas,
8 habits : rose, rose carmélite, boue de Paris, de drap bleu, noir, brun, de drap peluche gris,
24 culottes : de peau de daim, drap de coton, de casimir jaune, de satin paille, de savoyard serin, …,
12 gilets : de lapin blanc, de soie à pois blancs, de cannelé de soie fond violet, de laine peluche, de satin blanc, …,
19 cravates,
5 vestes : de Gros-de-Naples brodée en soie à parure d’argent, de velours brun et argent, de drap vert, rose et bleu, ….,
1 manteau de drap brun,
25 chemises en amadis,
8 caleçons de futaine dont 1 garni de baptiste,
100 paires de bas : de soie noir, bleu, gris, gris-chiné, de fil gris, à cotes, à pois, …,
5 paires de jarretières anglaises,
20 paires de manchettes garnies d’effilée,
1 vitchoura à carreaux gris doublée de peau de martre noire,
1 bonnet de velours cramoisi,
1 robe de chambre de molleton de laine blanche,
1 peignoir de toile blanche,
1 pantalon de coutil rose,
4 paires de souliers en cuir,
5 paires de bottines
1 paire de brodequin,
1 bourre à cheveux (perruque ?),
8 paires de gants de peau blancs,
1 veste de chasse en cannelure grise,
1 chapeau de chasse en maroquin noir,
3 paires de guêtres,
et 1 tablier gris de peintre !

Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises, 1786

En 1773, près neuf années passées en Angleterre, Pierre-Etienne débarquait à Saint-Petersbourg où son père réalisait une commande pour la Grande Catherine. En 1777, il épousait la sculptrice Marie-Anne Collot. Cet étrange mariage avait défrayé la chronique car la mariée vivait depuis 15 ans avec le père de son mari (une hypothèse sur cette énigme figurera dans mon prochain livre).

Vitchoura, Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises, 1786



Glossaire
CAMELOT : étoffe précieuse de laine, de soie et parfois de fil d’or ou de cachemire. On le retrouve dans les inventaires des personnes de « qualité ».
CASIMIR : Drap léger fait de laine croisée ou de coton, de dessins et de couleurs variés.
AMADIS : Amadis (manchettes) « On appelle ainsi des bouts de manche de veste qui se boutonnent sur le poignet. » (Dictionnaire de l’Académie Française, 1762) « Nom que les couturières en linge donnent à une façon de manche ou de poignet qui n’est guère d’usage qu’aux chemises de nuit. » (Encyclopédie)
COUTIL : grosse toile toute de fil qu’on employe communément en lit, pour matelats de plume, traversins, oreillers, tentes. Les coutils de Bruxelles sont très-estimés.
FUTAINE : Étoffe à armure type toile ou sergé, dont la trame est en coton et la chaîne en lin ou en soie et dont l’un des côtés a subi un léger lainage.
GROS-DE-TOURS, & GROS-DE-NAPLES, s. m. (Manufacture en soie.)​2​ étoffe de soie, dont la chaine & la trame sont plus fortes qu’au taffetas.
SAVOYARD : Habits inspirés des savoyards.
VITCHOURA : Vêtement garni de fourrure, que l’on met pardessus ses habits pour se garantir du froid extérieur, et que l’on quitte dans l’appartement.

Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises, 1786
Galeries des Modes et Costumes Français, c.1778-1787, Francois Louis Joseph Watteau
Etude de Pascale Fourtier-Debert d’après l”Inventaire
après le décès de M. Falconet
, le 19 août 1791″. Archives nationales, Paris. © DR 2024

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